Depuis sa création en septembre 1991, l’association Henri Langlois s’est fixé pour objectif « d'agir dans tous les domaines de la culture pour la promotion, la connaissance et la compréhension de l'art cinématographique. » Si ce but n’a pas changé, les moyens pour l’atteindre ont évolué au gré des évènements divers et variés qui ont pu influer sur l’organisation interne de l’association ou sur les moyens dont elle dispose. Alors qu’une nouvelle saison commence, nous avons souhaité donner la parole à Guy Schwitthal, président depuis un an et demi, afin qu’il évoque l’histoire récente de l’association et ses perspectives de développement.

Quand as-tu rejoins l’association et qu’est-ce qui t’a donné envie d’en devenir président ?

Je suis adhérent de l'association depuis 2015. La fin d'année 2018 a été un moment charnière dans la vie de l'association : après la démission de quatre membres du Conseil d'Administration, dont le Président et le Vice-président, la question de sa dissolution s'est clairement posée. Les adhérents étaient très attachés à l'association, en revanche les envies d'engagement au sein du Conseil d'Administration, et a fortiori du Bureau, restaient assez peu nombreuses. Toutefois, cinq nouveaux administrateurs ont été élus, et lors de la session suivante du Conseil, le Bureau a été constitué. Comme j'avais envie de participer plus activement à la vie de l'association, j'ai alors présenté ma candidature au poste de Président… La suite, tu la connais.

Comment conçois-tu le rôle de président ?

Il y a, bien sûr, une fonction de représentation auprès des différentes structures avec lesquelles nous sommes en rapport, que ce soient la Municipalité, la Cinémathèque, les Studio, entre autres… Mais je pense que dans une association, le Président a surtout un rôle d'animateur. En ce qui concerne le fonctionnement de l'association, la trésorière et le secrétaire font très bien leur travail. En ce qui concerne la substance de ce qui nous réunit, les autres administrateurs peuvent prendre en charge le suivi d'une activité. En tant que Président, je dois coordonner tout cela, et je peux indiquer quelques lignes directrices, mais le plus important, c'est l'engagement des adhérents, qu'ils siègent ou non au Conseil d'Administration, qu'ils prennent part aux actions mises en place, qu'ils en proposent d'autres. La vie d'une association repose sur la contribution de chacun de ses membres. Par exemple, Cinéfil, le journal de l'association, est actuellement élaboré et alimenté essentiellement par quelques-uns des administrateurs, mais intègre également des apports d'autres rédacteurs. Mon rôle est d'encourager ce genre d'initiatives. Et bien sûr, de vérifier au passage que cela peut s'inscrire sans dommages dans notre comptabilité…

L’association Henri Langlois fêtera bientôt ses 30 ans d’existence, pourtant ses objectifs semblent toujours assez mal compris ou connus. Comment définirais-tu le but de l’association ?

Les statuts de l'association sont assez clairs à ce sujet : permettre à des passionnés de cinéma de partager des envies, des désirs, des savoirs sur un art qui leur est cher. Nous sommes avant tout une association de cinéphiles, un groupement de personnes ayant toutes la même passion pour le cinéma… plutôt le cinéma patrimonial, mais pas seulement, d'autant que certains films d'aujourd'hui sont peut-être les classiques de demain.

L’association a connu, depuis sa création, différentes transformations qui l’ont obligées à faire évoluer ses activités (création d’un journal, organisation de conférences). Quelles sont ses principales activités aujourd’hui ?

D'abord, il y a le journal, dont je parlais à l'instant, qui existe depuis novembre 2010, et qui après une période marquée par des difficultés de parution, a été relancé grâce à une équipe grandement renouvelée. Ensuite, nous avons commencé la saison dernière à organiser des projections, le dimanche matin au cinéma Les Studio. Nous avions prévu cinq séances, nous n'avons pu en assurer que trois, en regard de la situation sanitaire. Toutefois, le premier bilan est plutôt encourageant : malgré un léger déficit financier, la fréquentation a été satisfaisante pour une activité qui démarre, et les retours des spectateurs ont été très positifs. Pour le moment, je me charge de l'organisation : contacts avec les distributeurs et avec les Studio, promotion de l’opération ; mais parallèlement au développement de l'activité, les tâches devront se répartir. Quant à la programmation, elle s'établit au fur et à mesure des projections, en se basant sur une présélection débattue en Conseil d'Administration, où chacun fait ses propositions, sachant que l'une des idées centrales est de présenter des films peu diffusés, mais aussi et surtout des films qui nous tiennent à cœur et que nous avons envie de partager ; il restera ensuite à vérifier leur disponibilité auprès des distributeurs. Pour le moment, les séances sont organisées sur le modèle de celles de la Cinémathèque, mais cela pourrait évoluer. Je ne demande qu'à en débattre, et je reste ouvert aux propositions et suggestions des adhérents.

A propos de la Cinémathèque, justement, quels rapports l’association entretient-elle aujourd’hui avec elle ?

Depuis 2010, l’association et la Cinémathèque sont deux entités différentes*. Il me semble important, et je sais que cet avis est partagé par la Cinémathèque, que la séparation soit claire pour tout le monde. Il faut que l’association gagne en visibilité et développe ses propres projets. Nous restons évidemment très proches de la Cinémathèque, dont le travail est remarquable, parce que nos préoccupations sont similaires et nos activités complémentaires. Des membres de l’association collaborent d’ailleurs plus ou moins régulièrement avec la Cinémathèque, soit en rédigeant des fiches de présentation du catalogue, soit en présentant certaines de ses séances.

Tu as toi-même souvent présenté des films de la Cinémathèque, en particulier japonais. Ce qui amène cette question un peu plus personnelle : quel cinéphile es-tu ?

Mes goûts sont très éclectiques et j'aime les bons films… Je reconnais que cette affirmation est très subjective, et je l'assume. C'est vrai qu'il y a certains cinémas qui me fascinent, mais c'est lié avant tout à leurs auteurs. Ce n'est pas tant le cinéma japonais que j'aime, que celui de Mizoguchi, ou de Kurosawa... Dans des registres plus récents, j'apprécie particulièrement Almodóvar, Aki Kaurismäki, ou encore Asghar Farhadi, un cinéaste iranien dont j'ai dernièrement découvert le travail, entre autres. Avec le cinéma patrimonial, le temps a fait le tri, bien que le goût de chacun puisse le refaire ; tandis qu'avec le cinéma contemporain, le spectateur reste entièrement libre de ses choix. L'approche est légèrement différente, mais le plaisir est aussi fort.

Comment vois-tu l’avenir de l’association ?

Il s'agit d'abord de faire évoluer certains modes de fonctionnement, d'en installer de nouveaux, de les tester et de les ajuster, ce qui demandera plus ou moins de temps. Concernant le journal Cinéfil, ou bien les projections du dimanche matin, il me semble important de renforcer ce que nous avons initié. Ensuite, j'ai quelques idées… Par exemple, j'aimerais beaucoup que nous arrivions à créer un réseau d'associations cinéphiles avec lesquelles nous pourrions échanger. Nous pourrions aussi organiser des déplacements, à la Cinémathèque Française, sur des festivals, ou tout autre lieu ayant un rapport direct avec le cinéma. Mais je le répète : le Président peut et doit être un moteur dans une association, mais la vie associative ne dépend pas que de lui, pas plus que du seul Conseil d'Administration. Ce sont aux adhérents, dans leur ensemble, de nourrir leur attachement commun au 7ème art, de partager leurs savoirs, leurs envies, et leur insatiable curiosité. Voilà sans aucun doute la clé de notre engagement associatif.

* lire à ce sujet l’article "La Cinémathèque, l'Association Henri Langlois et les Studio : qui est qui ? qui fait quoi ?" d’Agnès Torrens dans le Cinéfil n°60 de février 2020

Entretien réalisé le 8 septembre 2020

Cinéfil n°62 - Octobre 2020