Du 4 au 8 mars prochain, et pour la 7eme année consécutive, le festival Viva il cinema ! mettra à l’honneur le cinéma italien contemporain en proposant une sélection de films, des hommages et des évènements (programme complet à retrouver sur le site www.viva-il-cinema.com). Rencontre avec Lisa Taverna, coordinatrice générale du festival.

Italienne d’origine, tourangelle d’adoption et passionnée de cinéma, Lisa Taverna a très naturellement trouvé sa place au sein de Viva il cinema ! D’abord ″simple″ spectatrice, lors de la deuxième édition du festival en 2015, elle s’est ensuite engagée comme bénévole avant d’intégrer complètement l’équipe d’organisation en 2018.

Après six années d’existence, comment se porte le festival Viva il cinema ?

Si l’on s’en tient à la réaction et au nombre de spectateurs, ainsi que d’invités, de l’édition 2019, nous pouvons dire que le bilan est plutôt satisfaisant. En effet, depuis sa création, le festival a plus que doublé sa fréquentation (2300 spectateurs en 2014 contre 7000 lors de la dernière édition). Sans compter les nombreux invités qui nous ont honorés de leur présence : Régis Wargnier, Roberto Andò, Mario Martone, Pupi Avati et beaucoup d’autres !

Compte-tenu du développement continu du festival depuis sa création, on imagine que l’organisation a du, elle aussi, évoluer et s’adapter, au fur et à mesure, des nouveaux besoins.

Bien sûr. Aujourd’hui Viva il cinema ! prend de plus en plus d’ampleur. C’est le principal festival de cinéma en région Centre-Val de Loire. Les charges sont ainsi de plus en plus lourdes et si nous souhaitons développer de nouveaux projets, il est compliqué de ne compter que sur des bénévoles, aussi motivés et compétents soient-ils. Nous sommes conscients de la nécessité croissante de professionnaliser le festival, afin de valoriser un engagement et une implication à temps plein pour assurer sa réussite. La création, en 2016, de Viva il cinema ! en tant qu’association* était donc une étape nécessaire afin de donner une identité et une lisibilité claire à l’événement. Ainsi, le festival n’existerait pas sans une équipe compétente constituée, avec des fonctions bien réparties (production, communication, jeune public, partenariat, logistique, etc.). Sous la responsabilité juridique d’une association, il nous est aussi possible de pouvoir prétendre à des subventions, aides nécessaires pour notre événement.

Comment se fait la recherche et le choix des films programmés ?

La recherche des films se fait sur la base d’un intense état de veille sur l’actualité cinématographique italienne. De plus, deux festivals de grande notoriété permettent de découvrir des films de réalisateurs émergeants : le festival d’Annecy et celui de Villerupt. Il s’agit d’un travail d’équipe, effectué en permanence et mené par Louis D’Orazio en tant que directeur artistique, accompagné de deux conseillers artistiques, critiques et historiens du cinéma, à savoir Jean A. Gili depuis 2014, et Marco Bertozzi, depuis cette année, pour le cinéma documentaire. C’est le directeur artistique qui visionne les films, en sollicitant l’avis des autres membres de l’association, qui sont des cinéphiles mais également des italophiles et, d’une manière plus générale, de véritables amoureux de l’Italie.

Selon quels critères les films sont-ils sélectionnés ?

Afin de rendre compte de l’actualité cinématographique italienne et surtout de promouvoir le jeune cinéma italien, les films sont d’abord sélectionnés par leur valeur artistique et/ou thématique. Mais d’autres facteurs peuvent intervenir, comme, par exemple, les hommages, en fonction des opportunités et de la disponibilité des réalisateurs confirmés, dont la présence est essentielle pour soutenir le travail des jeunes cinéastes qui viennent présenter leur premier ou second long métrage.

Après l’âge d’or des années 50 et 60, le cinéma italien a, au cours des années 80, traversé une crise importante dont il sortira progressivement au début des années 2000, lorsqu’une nouvelle génération de cinéastes s’imposera. Lors de la création du festival en 2014, l’objectif était de soutenir le renouveau de ce cinéma italien en lui donnant une visibilité qui lui faisait défaut. Comment se porte le cinéma italien actuel ?

Aujourd’hui, le cinéma italien se porte plutôt bien. Contrairement à ce que l’on pense, il n’y a jamais eu de crise artistique italienne, la crise venait de la distribution. Or, aujourd’hui le cinéma italien est majoritairement distribué. Il est présent dans nombreux festivals à l’étranger et trouve ensuite facilement du succès dans les salles italiennes. Cette production croissante est rendue possible par les nouvelles aides mises en place par le gouvernement et les régions italiennes, mais aussi par le nombre croissant de sponsors qui investissent dans ce domaine, comme par exemple la RAI, le principal groupe audiovisuel public italien.

Quels sont les points forts de la programmation 2020 ?

L’édition 2020 est particulièrement marquée par le documentaire. C’est un genre qui occupe une place importante dans la culture cinématographique italienne car c’est le genre du réel. Il mélange fiction et réalisme afin de mener les spectateurs à la réflexion. Hier comme aujourd’hui les thèmes les plus graves traversant l’Italie sont traités avec légèreté, humour et poésie. Afin de soutenir le cinéma italien contemporain, l’édition 2020 sera par ailleurs marquée par la présence de réalisateurs exceptionnels auxquels nous rendrons hommages : Gianni Amelio et Daniele Gaglianone.

Viva il cinema ! a su trouver sa place aux côtés de manifestations similaires plus anciennes, comme les festivals de Villerupt ou d’Annecy que vous évoquiez tout à l’heure. C’est un très bel outil pour mettre en valeur non seulement le jeune cinéma italien mais aussi la ville de Tours.

Notre festival a pour ambition de faire découvrir et promouvoir le cinéma italien contemporain en soulignant la diversité culturelle, sociale et géographique de l’Italie d’aujourd’hui. C’est aussi l’occasion de montrer la continuité du cinéma italien en créant des liens entre les jeunes cinéastes présentant leurs premiers ouvrages et les réalisateurs plus affirmés. Ainsi, le festival est un événement très empathique et très humain, c’est un lieu de rencontre et de partage permettant aux réalisateurs de créer des liens qui vont au-delà de la sphère professionnelle. L’organisation offre le temps aux invités d’échanger entre eux et d’échanger avec le public. Ces temps sont très appréciés par les professionnels et les festivaliers et font la force du festival. Un autre point fort est la volonté de donner une approche très culturelle à l’évènement. Viva il Cinema ! est LE rendez-vous pour vivre, pendant presque une semaine, selon le style de la dolce vita.

Et demain ?

Notre objectif dans les années à venir est de diversifier et élargir le public, d’un point de vue géographique et social, à travers des actions de médiation et d’éducation à l’image, notamment à destination des jeunes générations. L’enjeu est de faire évoluer le festival en ayant toujours la même exigence de qualité aussi bien au niveau de la programmation que de l’ambiance.

Pour finir, quels films conseilleriez-vous aux spectateurs cette année ?

La programmation est très variée et fait voyager le spectateur aux quatre coins de l’Italie. Les films Ride de Valerio Mastrandea et Nevia de Nunzia De Stefano, mettent tous les deux en scène la difficile réalité du Sud de l’Italie, mais toujours avec poésie. C’est la magie du cinéma italien contemporain. De plus, les thèmes traités sont nombreux : la politique italienne, le jeunes dans les banlieues, l’immigration, le handicap, la mort. Comme Tutto il mio folle amore de Gabriele Salvatores, un film exceptionnel sur l’autisme. Je ne veux pas vous en dire plus. Je vous attends au festival Viva il cinema ! du 4 au 8 mars 2020 !

 

*Organisé à l’origine par l’association Henri Langlois et la Cinémathèque de Tours, en partenariat avec l’Université de Tours, l’association Dante Alighieri, Ciné off puis Sans Canal Fixe, le festival Viva il cinema ! est prise en charge par l’association du même nom créée en juillet 2016. Une convention de trois ans, signée entre la Municipalité et l’association Viva il cinema ! pour permettre à la Cinémathèque de continuer à participer à l’organisation de la manifestation prend fin cette année.

propos recueillis par Olivier Pion

Cinéfil N° 60 - Février 2020