Le premier film que j’ai vu dans une salle de cinéma est Les Aristochats. Je n’en garde aucun souvenir mais mes parents m’ont souvent raconté qu’au moment où l’ignoble Edgar enferme les chatons dans un sac j’avais éclaté en sanglots si déchirants que ma mère dut m’accompagner en dehors de la salle pour me consoler.

Le premier film que j’ai personnellement choisi d’aller voir dans une salle de cinéma est Le Gendarme et les extraterrestres. Ma grand-mère, qui était assez cinéphile et nourrissait sans doute l’espoir de me transmettre son attachement à un certain cinéma d’auteur, aurait préféré que mon choix se porte sur L’amour en fuite, également à l’affiche, mais aucun des arguments dont elle usa ne fut en mesure d’entamer ma détermination, renforcée par la crainte d’être disqualifié dans la cour de récréation où les pitreries de De Funès occupaient toutes les discussions.

Le premier film qui m’ait donné envie de fréquenter assidûment les salles de cinéma est Les Nuits de la pleine lune. J’avais 16 ans, aucune culture cinéphile et pas plus d’intention de m’en construire une. Attiré par le nom de Jacno, dont le tube Rectangle m’avait fortement marqué et qui signait ici la bande originale, je fus saisi par le rythme si particulier du film et plus encore par Pascale Ogier dont je tombais instantanément amoureux.

Je pourrais continuer ainsi avec le premier film qui m’ait fait littéralement pleurer de rire - Sacré Graal des Monty Pythons qui soit dit en passant, est également le premier film que j’ai vu aux Studio à l’occasion de sa reprise en 1985 - , à chaudes larmes - La Vie est belle de Capra, et tout autant que des mésaventures de George Bailey je me souviens encore des efforts que j’avais dû faire pour ne pas avoir les yeux trop rouges au moment où les lumières se rallumeraient - ou de rage - Fight club, dont tout le monde, sans exception, dans mon entourage m’avait vanté les qualités et qui me plongea dès les premières minutes dans un ennui malheureusement à la mesure de mon impatience à le voir. Je pourrais également évoquer le premier film qui… ou celui qui… La liste serait longue tant le cinéma m’a offert (et m’offrira) tout au long de ma vie des occasions de m’émerveiller, m’étonner, m’agacer, m’interroger, m’indigner, m’ennuyer.

Je finirai juste en évoquant le premier film devant lequel j’ai passé plus de temps à dormir qu’à profiter du spectacle : Le Grand sommeil d’Howard Hawks. Probablement parce que je l’ai découvert durant une Nuit des Studio et qu’il était plus de deux heures du matin. Ne voulant pas rester sur un “échec“ et passer à côté d’une œuvre considérée comme importante dans l’histoire du cinéma, j’ai par la suite tenté à trois reprises de revoir le film. Mais, est-ce le pouvoir par trop suggestif de son titre ?, à chaque tentative, je me suis systématiquement et profondément endormi, sans pouvoir garantir que je n’ai pas, en plus, un peu ronflé (si tel fut le cas, je présente aux spectateurs que mes vrombissements respiratoires ont pu indisposer, des excuses aussi tardives que sincères). Il n’est pas dit pour autant que je ne retenterai pas l’expérience, dès que l’occasion s’en présentera.

Marc Grebes

Cinéfil n°66 - Mars 2022