Souvenirs, souvenirs… L’histoire des Studio commence en 1961 mais je ne les découvrirai qu’en 1966 quand commencera ma vie étudiante ! En 1961, les Studio disposent d’une seule et unique salle, rue des Ursulines, dont la cheville ouvrière est l’Abbé Fontaine (il le restera pendant vingt ans jusqu’à son départ à la retraite en 1981). Si ma mémoire est bonne, les Studio ne programmaient alors qu’un seul film par semaine, sur deux ou trois séances le samedi et le dimanche. En tous les cas, je sais que j’y courais tous les samedis pour la séance de 17 heures pour découvrir les films de répertoire !

En 1968, les Studio s’enrichissent d’une nouvelle salle, le Mini. Comme son nom l’indique, elle est petite, avec de grands fauteuils orange, dotés d’accoudoirs avec un emplacement pour une bouteille et un cendrier, car on peut y boire et y fumer sans retenue ! Le hall d’accueil des deux salles est étroit, c’est le site de la bibliothèque actuelle, et les spectateurs s’y entassent, serrés les uns contre les autres, quand la séance suivante a du retard, ce qui n’est pas rare, quand elle a lieu à 22 heures ! Les Studio vont continuer sur leur lancée et en 1971, une nouvelle salle est proposée à un public de fidèles de plus en plus nombreux ! Ce sera le Studio 3, un peu excentré de la maison mère, puisqu’il se situe rue Edouard Vaillant, sur les lieux d’une ancienne salle de cinéma tourangelle, Le Casino. Quand, en 1980, le Studio 3 sera rapatrié rue des Ursulines, il laissera la place au Bateau Ivre ! Cinq ans plus tôt, une nouvelle salle avait vu le jour, le Studio 4 ! Le 26 février 1985, alors que les Studio ne cessent de prospérer, un incendie ravage le Studio 1 et endommage les autres salles. Les causes de cet incendie ne seront jamais élucidées. Incendie criminel ? Les Studio projetaient alors le Je vous salue Marie de Jean-Luc Godard que les catholiques intégristes voulaient faire interdire. Ou incendie accidentel ? L’enquête menée par les services de police n’a pu apporter aucune réponse. Mais un vaste mouvement de solidarité initié par les abonnés se met en place et, comme le Phénix qui renaît toujours de ses cendres, les Studio vont être reconstruits, puis au cours des années, ils vont se modifier, se développer, se transformer, jusqu’à ce qu’ils sont aujourd’hui. Et pourtant, combien de salles de cinéma tourangelles n’ont pas eu cette chance de se perpétuer dans le temps. Dans les années 60, Tours ne comptait pas moins de 19 salles de cinéma ! Rue de Lucé, sur l’emplacement du CDNT, l’Olympia et rue Émile Zola,  l’ABC à la réputation sulfureuse car on y programmait des films pornos, le Rex, rue Nationale, qui sera le dernier à disparaître, le Majestic rue Charles Gille et son voisin de la rue Michelet, le Caméo, deux petites salles un peu vieillottes et poussiéreuses, place Jean Jaurès, le Palace et le Cyrano et puis des salles de quartier, le Family du côté de la clinique des Dames Blanches, le Rio dans la Tranchée, le Mexico dans l’ancien boulevard Thiers… Toutes ces salles ont disparu sans laisser de traces ! Et ont disparu aussi leurs noms si évocateurs de la magie du cinéma, pour se banaliser et s’uniformiser au sein des grandes enseignes des Multiplexes, au parfum américanisé et frelaté des popcorns !

Où est-il le temps des ouvreuses qui conduisaient le spectateur à sa place, en échange d’un pourboire qu’elles glissaient dans une petite bourse en velours, accrochée à leur ceinture ? Et puis à l’entracte, elles proposaient des confiseries dans une corbeille harnachée à leurs épaules au cri de… Bonbons, caramels, esquimaux, chocolat…

 Catherine Félix

Cinéfil n°67 - Mai 2022