Editorial :
Au début du mois de juin dernier, un ami à qui je faisais part de mon impatience de retourner au cinéma s’étonnait qu’après des semaines de confinement, mon souhait le plus pressant fut d’aller m’enfermer dans une salle obscure. Close et sombre, comme un cachot (les rats en moins, en principe), la salle de cinéma peut effectivement apparaître comme un lieu d’enfermement, sinon d’isolement, à ceux qui ignorent les possibilités sans limite de découverte et de partage qu’elle offre en réalité. À une époque où internet ouvre un accès quasi illimité aux films du monde entier (sous réserve d’en accepter les moindres qualités de diffusion), ce sont sans doute moins les œuvres elles-mêmes que leur partage qui nous auront à ce point manqués lors de cette période de privation forcée. Bien sûr nous sommes déçus, contrariés, frustrés, d’avoir été privés des films attendus, que ce soient les nouveautés prévues, dont la sortie se trouve parfois différée sine die, ou les reprises proposées par la Cinémathèque. Le maintien sur la saison qui s’ouvre de certains films (Elle et lui, Fantômas, Le Franc-tireur, les deux soirées consacrées à Pedro Almodovar, ...) vient heureusement atténuer notre déception que la présentation d’une nouvelle programmation, comme à l’accoutumée, pleine de promesses finit de balayer tout à fait. Mais le plaisir que nous prenons à découvrir ou revoir ces films serait incomplet si nous ne pouvions partager avec d’autres, en salle donc, notre amour du septième art. Partager, c’est précisément l’objectif que s’est pareillement fixé le Cinéfil. Partager une émotion, un savoir, une opinion, une curiosité, en lien avec le cinéma, quelle qu’en soit l’origine : un film (celui de Joseph Mankiewicz, L’Affaire Cicéron), un livre (celui dans lequel Françoise Etchegaray relate les années passées auprès d’Éric Rohmer), une exposition (celle que la Cinémathèque française a consacrée aux rapports qu’entretiennent les œuvres de Federico Fellini et Pablo Picasso), une histoire (celle du Nosferatu de Murnau et de son remake par Werner Herzog, ou celle du western) ou un souvenir (celui, fasciné et angoissé, de La Nuit du chasseur). Nous espérons que vous saurez retrouver et apprécier dans les pages suivantes ce désir de partage qui, comme le rappelle son président, est aussi la raison d’être de l’association Henri Langlois. Nous souhaitons également que leur contenu vous donne envie d’y réagir, en le commentant, corrigeant, critiquant, complétant, et, pourquoi pas, de participer, vous aussi, à l’élaboration des numéros à venir.
Olivier Pion