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Le cinéma de cape et d’épée aux États-Unis

Le cinéma de cape et d’épée n’est pas seulement français (cf Cinéfil n°71), de l’autre côté de l’Atlantique, il s’inscrit également dans une tradition de cinéma populaire où les plus grands héros sont joués par des stars mythiques.

Les caractéristiques américaines

Le cinéma américain de cape et d’épée s’articule principalement autour de trois histoires : Les Trois Mousquetaires, Zorro et Robin des Bois. Si, pour les deux premiers, ce sont incontestablement des héros du genre, la question peut se poser pour le troisième. En effet, ces récits se déroulent en principe entre le XVe et le XIXe siècles, alors que l’histoire de Robin des Bois se passe au temps des Croisades, une période historique antérieure aux barrières chronologiques. Mais c’est un héros qui est régulièrement classé dans le genre donc nous allons partir de ce principe puisque ce n’est pas non plus à ranger dans la chevalerie. Il en va de même pour les films de piraterie, que je ne mettrais personnellement pas avec les films de cape et d’épée mais qui le sont malgré tout de manière générale, sans doute à cause des scènes de combats à l’épée.
Les Américains adaptent Les Trois Mousquetaires en 1921, 1935, 1948, 1973-1974, 1993, 2011, sans oublier les films dérivés comme la parodie L’Étroit Mousquetaire de Max Linder en 1922, Les Fils des mousquetaires de Lewis Allen en 1952 ou D’Artagnan de Peter Hyams en 2001. Le personnage de Zorro est le héros de dix-sept films entre 1920 et 2005 alors que Robin des Bois est celui de vingt films entre 1908 et 2018, en comptant le dessin animé de Disney (1973), La Rose et la Flèche de Richard Lester avec Sean Connery et Audrey Hepburn (1976) ainsi que le film parodique de Mel Brooks Sacré Robin des Bois ! (1993).
Quelques autres héros caractéristiques du genre de cape et d’épée connaîtront aussi leur adaptation hollywoodienne comme Scaramouche, personnage de la commedia dell’arte, à deux reprises : en 1923 dans le film de Rex Ingram sous les traits de Lewis Stone, mais surtout en 1952 dans le film de George Sydney, interprété par Stewart Granger, acteur que nous retrouvons dans Le Prisonnier de Zenda de Richard Thorpe en 1952 (d’après le roman d’Anthony Hope) et dans Les Contrebandiers de Moonfleet de Fritz Lang en 1955 (d’après le roman de John Meade Falkner). Nous trouvons, par ailleurs, l’évocation du personnage du comte de Monte Cristo d’Alexandre Dumas dans Le Fils de Monte Cristo, réalisé par Rowland V. Lee en 1940, et La Vengeance de Monte Cristo, réalisé par Kevin Reynolds en 2002.

Les grandes stars

Nous pouvons dégager deux grandes figures du cinéma de cape et d’épée américain : Douglas Fairbanks et Errol Flynn. Douglas Fairbanks, en héros vaillant, transpirant la bonne humeur, au sourire enjôleur et toujours rieur, sautant et bondissant, est l’interprète du héros d’Alexandre Dumas D’Artagnan à trois reprises : Douglas le nouveau d’Artagnan (1917), Les Trois mousquetaires (1921), Le Masque de fer (1929). Il est également l’interprète d’un autre grand héros du cinéma de cape et d’épée, Zorro, dans deux films : Le Signe de Zorro (1920) et Don X, fils de Zorro (1925), où il cumule les casquettes d’acteur, producteur et scénariste. Il joue, par ailleurs, les personnages de Robin des Bois en 1922, du Pirate noir dans le film éponyme de 1926, ainsi que celui de Don Juan dans La Dernière Aventure de Don Juan d’Alexander Korda, en 1934. Errol Flynn, quant à lui, séducteur invétéré et impertinent, émerge au moment où la carrière de Douglas Fairbanks s’éteint. Nous le voyons dans In the Wake of the Bounty en 1933, Capitaine Blood en 1935, Les Aventures de Robin des Bois en 1938, puis, après la Seconde Guerre mondiale, dans Les Aventures de Don Juan en 1948, À l’abordage en 1952, Le Vagabond des mers en 1953, Le Maître de Don Juan en 1954 et L’Armure noire en 1955. Il ne faut pas oublier non plus son rôle de Miles Hendon dans Le Prince et le Pauvre en 1937.
En ce qui concerne les autres « stars » qui ont interprété ces héros, nous pouvons compter Tyrone Power dans Le Signe de Zorro de Rouben Mamoulian en 1940, Kevin Costner dans Robin des Bois, prince des voleurs en 1991, Antonio Banderas dans Le Masque de Zorro et La Légende de Zorro en 1998 et 2005. N’oublions pas le fils de Douglas Fairbanks, Douglas Fairbanks, Jr., qui avait déjà joué avec son père dans Les Trois Mousquetaires de 1920, et que l’on retrouve dans Le Prisonnier de Zenda de John Cromwell en 1937, dans Vendetta de Gregory Ratoff en 1941 (adaptation des Frères corses d’Alexandre Dumas), dans L’Exilé de Max Ophuls en 1947, et il apparaîtra plus tard dans la série télévisée de la BBC The Legend of Robin Hood en 1975.

Les dérives hollywoodiennes

Mais le cinéma américain a souvent le besoin de « réécrire », de « dépoussiérer », comme si les œuvres originales n’étaient pas assez bien et trop anciennes. C’est ainsi que, depuis une trentaine d’années, nous pouvons qualifier les films de cape et d’épée adaptés des Trois Mousquetaires et ses suites de « grand n’importe quoi ». Outre les films animés comme Mickey, Dingo, Donald et les trois mousquetaires (2004), dans lequel les personnages de Disney sont les concierges d’Athos, Porthos et Aramis qui doivent déjouer un complot contre la reine Minnie, et Barbie et les Trois Mousquetaires (2009), où la célèbre poupée doit réaliser des exploits pour prouver qu’elle peut devenir mousquetaire, et sauver le futur roi Louis XIII, en héros romantique et passionné d’aéronautique (!), de différents complots… nous pouvons évoquer L’Homme au masque de fer (1998), avec Leonardo Di Caprio, Jeremy Irons, John Malkovich et Gérard Depardieu, film au scénario farfelu et très éloigné du Vicomte de Bragelonne de Dumas dont il est adapté, avec une résolution finale pour le moins discutable.
Dans la même catégorie, nous pouvons également évoquer D’Artagnan (2001), film ambitieux, mi-film de cape et d’épée, mi-film de kung-fu, dans lequel le héros éponyme et ses acolytes font du karaté en même temps qu’ils combattent à l’épée. Rien ne va dans ce film : la mise en scène, le scénario, les costumes… mais surtout, il est difficile de ne pas rire devant les moments de complicité entre Catherine Deneuve (Anne d’Autriche) et Jean-Pierre Castaldi (Planchet), notamment lorsqu’ils jouent aux cartes au milieu du film, scène maladroitement rappelée à la fin, et très involontairement drôle.
En dernier lieu, comment ne pas évoquer Les Trois Mousquetaires de Paul W.S. Anderson, réalisé en 2011, œuvre ambitieuse promettant un spectacle grandiose. Le film commence à Venise avec le vol d’un document secret par Milady de Winter (Milla Jovovich) qui s’enfuit avec le duc de Buckingham (Orlando Bloom), vrai méchant de l’histoire, qui finit allié au cardinal de Richelieu (Christoph Waltz) et se révèle être passionné… d’aéronautique (comme dans le film de Barbie, finalement !). Rien ne va non plus, la mise en scène, le scénario, les acteurs, les décors, les costumes, sans oublier la musique de Take That, boys band anglais des années 1990…  Bref, ce film est un pur navet à soixante-quinze millions de dollars, faisant involontairement rire, en particulier la scène finale de combat aérien dans des bateaux volants !
Finalement, le cinéma de cape et d’épée américain est un cinéma de stars, où le spectaculaire a malheureusement fini par prendre le pas sur le respect de l’œuvre originale et de l’Histoire.

Donatien Mazany

Cinéfil n°72 - Avril 2024