L'envers du décor ...

    C'est ce que nous donne à voir l'exposition « Tournages – Paris – Berlin – Hollywood », avec plus de 200 photos provenant de la photothèque de La Cinémathèque française et d'une collection privée ; la photo de l'affiche nous présente Myrna Loy et Clark Gable dans « Un Envoyé très spécial » de Jack Conway (1938) avec une caméra de reporter qui enregistre l'image et le son sur la même pellicule.

    Mais c'est aussi toute une période de l'histoire du cinéma, allant de 1910 à 1939, qui nous est présentée, avec les tournages dans les plus grands studios et en extérieur, l'évolution des matériels utilisés, les décors monumentaux de certains films – comme la reconstitution de la façade du casino de Monte Carlo en Californie pour « Folies de femmes » de Von Stroheim - et l'un de ses aspects les plus importants, le passage du muet au sonore. Les plus grands réalisateurs de cette période sont présents dans cette exposition, Abel Gance, René Clair et Jean Renoir pour la France, F.W. Murnau, Fritz Lang et Ernst Lubitsch pour l'Allemagne, D.W. Griffith, C.B. de Mille, King Vidor et E.V. Stroheim pour les U.S.A.

    La « star » qui figure dans presque toutes les photos, est incontestablement, la caméra, Pathé au début, puis la Ernemann, la Debrie, la Caméréclair, la Bell et Howell et la Mitchel. Caméras souvent volumineuses et bruyantes, enfermées dans des caissons insonorisés (les blimps) au début du cinéma sonore et parlant où l'on enregistrait simultanément la musique, les sons et les paroles avec l'image, technique abandonnée avec la postsynchronisation.

    A côté des photos de tournage – le cinéma en train de se faire – des photos de plateau et de studio, utilisées pour la promotion des films, des photos de réalisateurs, de techniciens et d'équipes complètes et des photos d'acteurs et surtout d'actrices qui ont contribué à la naissance du « star system », quelques photos nous laissent deviner les difficultés rencontrées par les actrices pour exprimer les sentiments et émotions de leur personnage : actrices couchées, entourées de techniciens et d'une caméra qui les scrute (photo n° 26 avec Joan Bennett dans « Vogues of 1938 » d'Irving Lumming – photo n° 160 avec Constance Bennett dans « Achetée » d'Arche Mayo – photo n° 253 avec Miss Dupont dans « Folies de femmes » d'Eric Von Stroheim) et une actrice en larmes aidée en cela par des émanations d'oignons qui transforment ses yeux en véritable Niagara (photo n° 260 avec Marion Davies dans « Mirage/Show people »).

    Malgré la connaissance de cet environnement et des artifices utilisés lors des tournages, le côté magique des projections de films en salle continue de nous fasciner et de nous entraîner dans les méandres des aventures et des drames qui nous sont contés.

(Exposition au Château de Tours jusqu'au 27 janvier 2013)

Le pouvoir de l'image ...

    L'affiche de cinéma, née en même temps que le cinéma, constitue un support publicitaire destiné à assurer la promotion du film qu'elle représente. Si le film nous raconte une histoire, l'affiche doit, avec quelques images, nous raconter un film. « L'affiche de cinéma doit être populaire ...suggestive par une synthèse simplifiée du sujet ... elle doit être agréable à l'œil ... l'artiste doit respecter la ressemblance des acteurs connus...éviter les formes trop primaires ou un style trop abstrait... le cinéma est un art populaire, le dessinateur doit s'y conformer ». C'est ainsi que J.M. Monnier définissait ce que devait être une bonne affiche de cinéma lors de la première exposition d'affiches à La Cinémathèque française en 1946.

    Pour cet art, considéré à ses débuts comme un genre mineur, les affiches étaient réalisées sous forme anonyme ou sous la signature d'un pseudonyme. Dans les années 1920, la création d'affiches devient un genre autonome de l'affiche publicitaire et les affichistes signent leurs oeuvres. Boris Grinsson fut l'un d'eux et l'exposition « Grinsson à l'affiche » nous permet d'en apprécier quelques dizaines (provenant de la collection d'affiches de la Cinémathèque de Tours).

    Les affiches de cinéma conservées jusqu'à ce jour nous racontent d'une certaine façon plusieurs histoires :

  • d'une part, une histoire du cinéma, à travers le nombre de tirages, la dimension des affiches, le lieu de leur exposition et de leur destination ;
  • d'autre part, une histoire de l'imprimerie, avec le passage de la technique de la lithographie jusqu'en 1960 à la technique de l'offset jusqu'aux années 1970, puis l'utilisation des photographies, du photomontage et de la création assistée par ordinateur aujourd'hui ;
  • enfin, une histoire artistique, avec l'évolution de leur contenu, l'utilisation des couleurs selon la technique, ainsi que leur conservation par entoilage après restauration éventuelle.

    Boris Grinsson (né en Russie en 1907 et décédé en France en 1999) fit ses études en sciences politiques et à l'académie des Beaux-Arts en Estonie. En 1929, il s'installe à Berlin et commence à dessiner des affiches pour le cinéma qu'il affectionne. En 1933, après l'arrivée des nazis au pouvoir et recherché par eux pour un caricature d'Hitler, il se réfugie en France et reprend ses activités d'affichiste. A cette époque il produit principalement des affiches pour les films de série B, les films de série A étant réservés à un affichiste plus connu, Roger Soubie. Il passe les années de guerre en zone libre et revient à paris en 1944.

    Il dessine les deux premières affiches du film « Autant en emporte le vent » (réalisé en 1939 mais sorti en France en 1950) et produit jusqu'aux années 1960 plus de 2000 affiches. Son graphisme devient alors plus simple et dépouillé, chargé de symboles comme le trouble, le désir, la peur, l'ambiguïté et la fantaisie. Il produit des affiches pour tous les types de films et pour les films de différents pays ; on lui doit également les portraits inoubliables des plus grandes actrices.

    Dans les années 1970 lorsque la photo se substitue au dessin, Boris Grinsson abandonne son métier d'affichiste et se consacre à la peinture.

(Sources sur Grinsson : « Grinsson » de Jean Ségura - Editions Intemporel)

(Exposition au Chateau de Tours jusqu'au 3 février 2013)

Paul Neilz