Film de 1970 ressorti en salle en août 2013 et sur ARTE le 23 septembre 2013

Avec Sarah Miles, Robert Mitchum, Trevor Howard, John Mils, Leo MacKern, Christopher Jones.

    Le petit village de Kinary, sur la côte ouest de l'Irlande en 1916. Rosy, la fille de Tom Ryan le propriétaire de la taverne, épouse le maître d'école Charles Shaughnessy de quinze ans son aîné. Mais dès les premiers jours du mariage, Rosy, romantique et sensuelle, est déçue par la maladresse amoureuse de son époux. Elle fait la connaissance du Major Randolph Doryan qui vient de prendre le commandement d'une garnison de la région après avoir été grièvement blessé sur le front de France.

    Rosy et Randolph s'aiment passionnément et leur liaison fait scandale au village.

    Ainsi commence ce ''Bovarysme'' revisité à un moment du grave conflit qui oppose l'Irlande et l'Angleterre. Mais ce qu'il y a de nouveau par rapport à l'adaptation de Flaubert, c'est qu'ici l'héroïne n'est plus moquée par son auteur, le mari est loin d'être ridicule et l'amant n'est pas un goujat.

    Démesure et douceur se côtoient, mais les personnages sont nobles et purs. Ici les pulsions viennent de loin et sont animées par des forces incontrôlables. La mer toujours tourmentée et omniprésente en ponctue le récit. Nous retrouvons ici la notion ''d'Umwelt'', le monde environnant qui entoure le drame sans se mêler à l'action mais qui y participe symboliquement. Cela vient de l'école allemande de cinéma dans les années vingt-cinq. Une des plus belles scènes d'amour de l'histoire du cinéma est filmée en forêt avec l'éclosion de la faune qui accompagne l'épanouissement des amants. D'un romantisme incandescent, cette scène est d'une ''tétanisante'' beauté.

    David Lean à qui l'on doit, il faut le rappeler, les grandes fresques de cinéma que sont Le pont de la rivière Kwaï, Lawrence d'Arabie et Docteur Jivago signe ici l'un de ses films les plus personnels qui fut cependant éreinté par la critique intellectuelle des années 70, lorsque la mode de l'époque – déjà la pensée unique - était la fameuse distanciation ''bretchienne'' et la déconstruction, ce qui permettait d'être adoubé par cette critique.

    Pourtant le film est sublime. David Lean a le génie des lieux et il s'est transfiguré par le détail le plus anodin. Nul ne sait comme lui filmer des ciels déchiquetés, des tempêtes apocalyptiques, des paysages tourmentés. Ici la nature façonne les êtres qui vivent en son sein et réveillent leurs démons intérieurs. A signaler la qualité exceptionnelle de la photo du chef-opérateur Freddie Young.

    Le film est aussi porté par la musique de Maurice Jarre qui a écrit une partition subtile qui s'associe parfaitement avec la Symphonie Héroïque de Beethoven axe primordial de l'illustration musicale. Celle-ci apporte un vertige lyrique qui plane sur la splendeur des images.

    Et puis, la beauté sauvage de l'Irlande y est célébrée, avec ses côtes majestueuses, ses collines verdoyantes et ses vallées immenses et profondes où les personnages semblent venir s'abîmer, disparaître, tant ils semblent être avalés par ces paysages.

Lionel Tardif