Le court prometteur

    Il le dit lui-même : il a du mal à faire court ! Alors Le Commencement, son court-métrage de trente sept minutes, présenté le 21 octobre dernier lors de la séance de la Cinémathèque, n'en est pas vraiment un. Trop long pour être diffusé dans les festivals, riche et inclassable, il est à l'image de son jeune réalisateur de 26 ans, Loïc Barché, aussi affable qu'intéressant et spontané. À l'écriture et derrière la caméra, il fait preuve d'une belle assurance dans ce premier film professionnel, pas commercialisé et sans subventions, mais « tourné avec des camions » selon son expression. Rencontre.

Aurélie Dunouau : Vous avez été élève au lycée Balzac. Racontez-nous comment vous êtes arrivé à Tours et quel effet cela vous fait d'y revenir aujourd'hui pour la présentation de votre film...

Loïc Barché : La Cinémathèque j'y allais souvent donc je suis très heureux d'y revenir. 

    Pour moi, le cinéma, ça a commencé assez jeune. Je me souviens du Cirque de Chaplin, j'étais en CM1, et du coup, après, ce film ne m'a pas quitté. Au collège, il n'y avait pas de cours de cinéma, j'en avais marre (rires)...Quand j'ai entendu parler de l'option cinéma à Tours, ç'était une évidence pour moi de venir ici. Comme j'ai grandi à Selles-sur-Cher, où on a tourné le film, le lundi matin je me levais à 5 heures pour prendre le train et j'étais très content de venir à la « grande ville », c'était la fête. J'ai passé trois années très heureuses, début 2002 à 2005. Il s'est passé plein de choses pendant cette période, on tournait beaucoup de films avec les copains, à Tours, dans la rue, en empruntant le matériel du lycée, grâce à Louis d'Orazio (ancien professeur de l'option cinéma au lycée Balzac). Du coup, j'ai beaucoup profité de l'option choisie : les cours bien sûr et aussi lorsque je revenais pendant mes heures libres faire du montage.

    Les choses n'ont pas tellement changé depuis cette époque, puisque j'ai pu réaliser des films que Sylvain Lagrillère produisait. Il a ''monté'' la boîte de production ''Punchline cinéma'' et produit Le commencement

A.D. : Comment est né le projet de ce film ?

L.B. : J'ai eu une expérience assez importante en Espagne. J'ai suivi le tournage de L'Artiste et son modèle d'un réalisateur espagnol, Fernando Trueba, bien connu là-bas. J'étais assistant de Jean Rochefort, je l'ai suivi pendant deux mois et demi.

    C'est un film qui n'avait pas beaucoup de budget mais il n'y avait que des professionnels incroyables, fous comme Pierre Gamé, l'ingénieur du son qui était fabuleux, Trueba, adorable et généreux, Claudia Cardinale, Jean Rochefort avec qui je n'ai pas arrêté de parler... Bref, je suis revenu de là avec une très grande envie de faire un film : urgemment. Et c'était le moment où mes amis montaient leur boîte de production.

    En Espagne, j'écoutais beaucoup Bob Dylan, et en lisant des articles sur lui, j'ai vu que dans ses influences figurait Robert Johnson. C'était l'homme qui avait vendu son âme au diable. J'ai découvert sa légende de guitariste qui jouait mal et qui, du jour au lendemain, s'est mis à jouer très bien. C'était parti pour l'idée...

    En fait, on était très pressés, c'était au mois de novembre 2011 et on voulait tourner l'été 2012, quoi qu'il arrivât. On a tourné sans aucune subvention, ni du CNC, ni de la région Centre, chez nous, avec beaucoup de soutiens, la famille, les amis, la municipalité...Cela a été précieux.

A.D. : Comment fonctionne t-on quand on n'a pas de distributeur pour pouvoir diffuser son film et lui donner de l'écho ?

L.B. : On a fait des projections à Paris, au village des producteurs, à Tours; je fais aussi des ateliers avec les scolaires, je pense donc organiser des projections en milieu scolaire.

    Après, le but du jeu est que le film serve de carte de visite. S'il n'est pas forcément diffusé dans des salles de cinéma c'est surtout un moyen de dire : voilà ce que l'on fait sans argent, c'est plutôt chouette, donc maintenant, financez-nous ! Ça donne du sérieux à nos projets.

A.D. : Parlez-nous alors de votre prochain film...

L.B. : Il s'appelle Le plongeoir, ça dure une quinzaine de minutes. C'est presque une blague.

    C'est quelqu'un qui amène, dans une voiture, un dimanche matin, son copain au bord d'une plage, au mois d'octobre. C'est désert, c'est très gris. Il y a juste un immense plongeoir et il demande à son copain de le filmer sautant du plongeoir car il se persuade qu'en sautant de ce plongeoir, il va séduire la fille dont il est très amoureux.

    C'est presque une blague, mais on va essayer de voir ce qu'il y a derrière ce geste amoureux. Je trouve, qu'aujourd'hui, c'est encore un peu mou, mais on s'aide avec facebook ou par texto... Je trouve que plonger ça relève la dimension du courage.

A.D. : J'imagine que vous avez d'autres projets d'écriture et de réalisation en cours ?

L.B. : Oui ! J'ai compté, j'en ai cinq en ce moment, c'est trop peut être ?! Dont un moyen-métrage, une adaptation d'une nouvelle de Jack London Rien que de la viande, assez violente...

    Mon ambition c'est de faire des films, c'est une nécessité pour moi. Mais je m'en fiche un un peu de ''rentrer'' ou non dans le milieu du cinéma...

A.D. : Quels sont les réalisateurs qui vous ont influencé ?

L.B. : Sur Le Commencement, on a beaucoup pensé à Renoir et Tarkovski, qui a été très important pour moi.

    En ce moment je suis un peu obsédé par Pakula, (Les hommes du président). Je n'arrête pas de regarder ce film! Et cela influence bien entendu ce que j'écris.

Propos recueillis par Aurélie Dunouau