jeudi 6 février 2014

(En caractères gras et bleus : films programmés pendant les JFI)

Grâce au succès obtenu au festival de Cannes de 2008 par deux films italiens Il Divo de Paolo Sorrentino (prix du jury) et Gomorra de Matteo Garrone (grand prix du jury), on a à nouveau entendu parler en France de « renaissance » du cinéma italien. En faisant référence aux années fastes du néoréalisme et de la Comédie à l'italienne, on a souvent considéré, dans la presse française, à la fin des années 90, que le cinéma italien était pratiquement mort : Il suffit de lire, entre autres, l'article injuste de Jacques Mandelbaum « Italie, année zéro » paru dans le journal Le Monde (du 18/12/1997). Ceci est faux : un cinéma de qualité a toujours existé en Italie, mais pour des raisons politiques et structurelles, les films ne sortaient pas du pays.

Témoignage de la bonne santé du cinéma italien : les projections organisées une fois par mois, le samedi matin, au cinéma du Panthéon, par l'association « Anteprima » remplissent une salle de 200 places.

Caractéristique du cinéma italien

C'est un cinéma de l'engagement, un cinéma très en phase avec ce qui se passe dans la société italienne. C'est « le miroir de l'esprit du temps » (Daniele Luchetti, réalisateur).

Deux axes pour parler du cinéma italien actuel

1. Films se référant à un engagement politique explicite

2. Films se référant à un engagement politique implicite

1 - Films se référant à un engagement politique explicite

a. Films qui représentent le monde de la politique, dans la lignée de Francesco Rosi :

- Il Portaborse – Le Porteur de serviette - (1991) de Daniele Luchetti,

- Il Divo (2008) de Paolo Sorrentino. Pour faire ce film, il fallait être un fou ou un génie. Sorrentino est les deux ! Film avec l'acteur fétiche de P. Sorrentino : ToniServillo que l'on retrouvera dans La Grande Bellezza (2012) du même réalisateur

- Il Camail (2006) de Nanni Moretti,

- Viva la Libertà (2013) de Roberto Ando, avec l'extraordinaire Toni Servillo.

b. Films qui ont à voir de près ou de loin avec la criminalité organisée :

- Gomorra (2008) de Matteo Garrone. Très grand film.

- Fortapàsc (2009) de Marco Risi.

- Una vita tranquilla (2010) de Claudio Cupellini.

c. Films sur une période qui a marqué les Italiens : les années 70 :

- Buongiorno, notte (2003) de Marco Bellocchio.

- Mio fratello è figlio unico - Mon frère est fils unique - (2007) de Daniele Luchetti.

- La prima linea (2009) de Renato de Maria, film qui suscita une polémique autour de son financement par les pouvoirs publics.

- Piazza Fontana. Romanzo di una strage (2012) de Marco Tullio Giordana, film qui suscita, lui aussi, une polémique.

d. Films sur la période du fascisme :

- Vincere (2009) de Marco Bellocchio, film qui a eu un certain écho en France.

- L'Uomo che verrà - L'Homme qui viendra - (2009) de Giorgio Diritti, film important sur cette période (tiré d'un fait réel : le massacre de Marzabatto, dans la région de Bologne) et pour la description du monde paysan des années de la guerre. Tourné en dialecte « emiliàn-rumagnol » et sous-titré en italien.

e. Films liés au rapport des Italiens avec le phénomène de l'immigration :

- Terraferma (2011) d'Emanuele Crialese, film qui n'a pas eu en France le succès attendu après celui de Respiro, sorti le 1er janvier 2003 qui, lui, avait connu un vif succès. En dépit d'un ego surdimensionné, côté très vrai et « genuino » de Crialese qui fait toujours tourner le même acteur, non professionnel, Flippo Pucillo, un jeune de Lampedusa et Mimmo Cuticchio, grand homme et acteur de théâtre très engagé.

- La petite Venise (2012) de Andrea Segre, film intéressant qui traite d'une population dont on parle peu : la population chinoise immigrée en Italie. Titre en Italie Io sono Li : jeu de mots entre le prénom de l'héroïne et l'adverbe « li » Titre plus porteur pour la France : le nom de Venise séduit...

- Ali ha gli occhi azzurri (2014) de Claudio Giovannesi. Film qui met en scène les conflits d'identité de jeunes immigrés. Premier film d'un nouveau réalisateur, auteur de documentaires, qui a été primé aux festivals 2013 de Rome et de Villerupt.

f. Documentaires sur la politique berlusconienne :

- Biutiful cauntri (2008) d'Esmeralda Calabria, Andrea D'Ambrosio et Peppe Ruggiero, sur la non-gestion des déchets dans la région de Naples.

- Draquila : l'Italia che trema (2010) de Sabina Guzzanti.

- Videocracy (2011) dErik Gandini.

- Sacro GRA (2013) de Gianfranco Rosi, sur les gens qui vivent le long du GRA (Grande Raccordo Circulare), la ceinture périphérique de Rome.

2. Films se référant à un engagement politique implicite

Ce sont des films qui ont une valeur sociale mais qui racontent des histoires plus intimes, plus personnelles et font place aux diversités régionales.

a. Paolo Virzi, né en 1964 à Livourne, ville très à gauche, films plaisants, drôles :

- Ovosodo (1997), film qui évoque sa ville, Livourne, sa génération et son regard sur les choses.

- La Prima Cosa Bella (2010), film sur les rapports entre les membres de la famille.

- Tutti Santi Giorni – Chaque jour que Dieu fait 2012). Andrea et Julia ont quelques difficultés à avoir un enfant et vont essayer différents moyens. Film qui montre le rôle de l'Eglise et son influence sur cette thématique.

- Il Capitale umano (2013), film qui aborde le milieu économique et le monde de la finance un peu corrompu.

b. Daniele Luchetti, né en 1960 à Rome :

- La Nostra Vita (2011). Film qui décrit bien la ville de Rome, une ville ouverte, avec ses rapports humains à la fois très violents et très faciles.

- Anni Felici – Ton absence - (2013).

c. Ivano de Matteo, né en 1966 à Rome :

- La Bella Gente (2009), film qui met en scène l'hypocrisie des gens politiquement corrects. A connu un joli succès en France.

- Gli equilibristi (2012), met en scène le monde de la pauvreté.

d. Gianni di Gregorio, acteur et réalisateur, né en 1949, à Rome. Un des cinq co-scénaristes de Gomorra :

- Pranzo di Ferragosto- Le déjeuner du 15 août. Très beau succès en France et en Italie.

- Gianni e le donne – Gianni et les femmes (2011).

En conclusion : l'hommage rendu au cinéma italien contemporain par Bernardo Bertolucci qui, recevant une Palme d'Honneur pour l'ensemble de son oeuvre (festival de Cannes 2011) a déclaré : « l'héritage du néoréalisme, avec son attention à la société et avec toute sa grande valeur, a toujours pesé sur nos réalisateurs, mais aujourd'hui, si l'on parle d'auteurs comme Crialese, Garrone, Sorrentino, je vois véritablement un temps nouveau. Ce sont des auteurs qui travaillent sur la structure et sur le langage, dans leur films on ressent une grande connaissance du cinéma en général, pas seulement du cinéma italien.».

Conférence enregistrée par Mme Claude Davi