Je passe assez de temps devant un écran de cinéma pour avoir déjà mesuré à quel point le cinéma compose ma vie. Et depuis assez longtemps - disons 30 ans - pour tenter de sonder pourquoi et par quelles voies, cet art si ouvert et accueillant a réussi à me lier étroitement à lui.

J’ai déjà compris que je ne le ramène pas à un pourvoyeur d’histoires duquel puiser de quoi mentalement m’évader. Et pas même à une source d’évasion en tant que telle. En fait, je prends le cinéma pour un art distingué en ce qu’il sait emprunter aux autres formes d’expression artistique (littérature, peinture…) leurs valeurs et s’en singularise pourtant en en proposant d’autres. Parmi ces valeurs, celle liée au mouvement et celle liée au temps. Puis, le cinéma est un art traversé par une veine populaire, toujours pas tarie.
Par ce mouvement, combiné à la mobilisation de l’œil et de l’ouïe,  le cinéma  est instantanément sensoriel. Cette vertu, à l’effet magnétique, entraîne une capture mentale qui bouscule nos résistances intérieures et agite notre sensibilité. Il y a véritablement un contact instantané et direct entre le film et son spectateur. Et je recherche ce contact parce qu’il me met ouvertement à l’épreuve.
La valeur du temps caractérise de manière plus éblouissante encore le cinéma. Sa spécificité, à cet égard, est que chaque film nous enveloppe dans 2 niveaux temporels (au moins) : sa durée propre, qui est une contrainte, et le temps du film à l’intérieur duquel l’histoire se déplie.
Et au sortir d’excellents films, il me faut toujours un moment de récupération, comme un temps intermédiaire, qui nivelle, pour me libérer de l’impact du film et revenir à la séquence de ma vie propre.
Mais par dessus tout, il est un art à hauteur d’Hommes. Transfiguré depuis ses origines foraines, il n’a pas perdu sa nature populaire. L’appartenance au public d’une séance donnée, l’échange d’impressions en font déjà un art qui se partage.


                               Une cinéphile