Agnès Torrens : «  La cinémathèque nous fait voyager  »

Pour la 1ère interview, il paraissait naturel d’ouvrir le bal avec Mme la directrice de la cinémathèque Henri Langlois. Agnès Torrens a pris la succession de Lionel Tardif voilà cinq ans, défi qu’elle a relevé de main de maître, apportant d’emblée sa propre patte, guidée par ses coups de cœur cinématographiques, une curiosité inépuisable et des partenariats judicieux. C’est ainsi qu’elle nous mitonne chaque année une programmation alléchante et variée. Et le résultat est là : avec plus de 8800 entrées l’an dernier, la fréquentation est en hausse.

Aurélie Dunouau : Quelles sont les recettes pour bâtir une  bonne programmation ?

Agnès Torrens : « Faire une programmation relève d’un travail d’équilibre, d’équilibrisme peut-être.
Nous n’avons qu’une séance par semaine donc nous tournons autour d’un ou deux thèmes. Cette année, j’avais envie de quelque chose d’un peu léger. Nous avons choisi le thème de l’Amour, dans toutes ses dimensions, de tout temps : l’amour fou (Quand passent les cigognes Désir), l’amour difficile, incompris (Rohmer), l’amour tragique (Carné), sulfureux (Von Stroheim), scandaleux (Les amants de Louis Malle), l’amour plus fort que tout dépassant les classes sociales (Lubitsch).
Second axe qui ressort, des films plus graves, politiques, comme les Lettres paysannes d’une jeune réalisatrice africaine, Kaddu Beykat (le 29 novembre), ainsi que Désobéir de Joël Santoni.
Il ne faut pas oublier l’approche du voyage. Le cinéma est fait pour voyager, nous allons ainis découvrir l’Italie, la Hongrie, l’Inde, le Mexique,…
Enfin, nous essayons de répondre à l’actualité tourangelle, à nos partenariats.

AD : Devoir coller à une commande précise n’implique-t-elle pas une part  de contrainte ?

AT : Oh non, ce n’est que du plaisir de rechercher des films qui correspondent aux thématiques de nos différents partenaires !  Que ce soient Plumes d’Afrique, le Festival de Cinéma Asiatique, les Studio, la médiathèque F. Mitterrand… Cette année j’ai adoré travaillé pour la 1ère fois avec Tours Capitale du Jazz, l’échange fut vraiment intéressant. Cela permet à la cinémathèque de s’ouvrir et de se faire connaître par le biais d’autres associations. Ainsi certains «jazzeux » sont venus à la cinémathèque pour la première fois. Nous sommes tous gagnants.
Et puis ce n’est pas difficile car j’anticipe : l’an prochain ce sera le retour d’Eurogusto, j’ai déjà en tête des idées de films.


AD : Dans la programmation, il y a aussi une part importante de continuité, une cohérence qui se construit d’année en année ?

AT : Tout à fait. Par exemple en octobre 2008 et janvier 2010 nous avons programmé deux versions de « Juha », deux films inspirés d'un roman écrit par un Finlandais au début du XXème siècle et repris plusieurs fois au cinéma. Quatre fois au moins et à diverses époques de 1920 à 1999. Je tiens à aller au bout de cette aventure « Juha »!
Continuité toujours avec Erich Von Stroheim qui revient pour la 3ème année consécutive, avec une version amputée de « Folies de femmes », malgré les difficultés de traduction car il n'y a pas de sous titres en Français. Nous le faisons nous-mêmes, c'est du travail mais nous y tenons !

Autres incontournables : Hitchcock et Buñuel. Nous nous attachons à sa période mexicaine, dénigrée et pourtant passionnante.  Donc nous continuons à passer 1 ou 2 films de Buñuel par an.
Il y a aussi beaucoup de westerns, avec un accent particulier mis cette année car le public est demandeur.

AD : Le public justement il est au centre de votre démarche de programmation ; Il y a, assez proche de la cinémathèque, celui des Studio, avec qui vous vous associez pour trois soirées (Lubitsch, Ray et  Rohmer), mais aussi, c’est essentiel, vous allez à sa rencontre hors des murs et notamment vous avez instauré des séances pour les enfants…

Oui, nous estimons que les petits ont droit à leur cinémathèque, ils ont plaisir à voir de vieux films. Que ce soit aux Fontaines où nous avons répondu à la proposition de Marie-Thérèse Clerc ou au Sanitas nous organisons des projections spéciales. Et ça marche très bien ! Il y a aussi toutes nos actions envers les élèves à Montbazon et Château-Renault.

AD : Dernière question, S’il vous fallait choisir un coup de cœur ?

 

AT : Von Stroheim, et puis Ophuls. Il est tellement génial ! Du coup, vous en aurez droit à trois cette année.

Propose recueillis par Aurélie Dunouau