Depuis de nombreuses années, la Cinémathèque offre aux élèves de première - option Cinéma du Lycée Balzac de Tours la possibilité de venir présenter un film qu’ils ont étudié en classe. S’ils sont tous issus de ce qu’il est convenu d’appeler le cinéma de patrimoine, les choix de films, qui relèvent de la responsabilité de l’équipe enseignante en tenant compte de différents critères pédagogiques, artistiques, historiques mais aussi logistiques (disponibilité du film pour une projection publique et concordance des plannings du lycée et de la Cinémathèque), présentent une grande variété de genre, d’époque ou d’origine. Au cours des sept dernières années, ont ainsi été présentés des films aussi divers que Jacquot de Nantes (Agnès Varda – 1990), La Vie est belle (Franck Capra – 1946), Chasse à l’homme (Fritz Lang – 1941), Les Innocents (Jack Clayton – 1961), Monika (Ingmar Bergman – 1953), Les Raisins de la colère (John Ford – 1940) ou Madame de … (Max Ophuls – 1953). Cette année, c’est le film de Jean-Luc Godard, Pierrot le fou qui a été retenu et sera présenté le lundi 16 décembre.
Nous avons souhaité rencontrer certains des élèves qui participent à ce projet afin qu’ils nous expliquent non seulement le travail qu’ils ont réalisé mais aussi leur approche du cinéma, leurs attentes et leurs souhaits.
Qu’ils soient ici remerciés de leur participation, au même titre que leur professeur qui a bien voulu nous préciser les objectifs et l’organisation de l’option Cinéma.

 

Le film et le réalisateur

Aucun des élèves ayant acceptés de répondre à nos questions n’avait vu Pierrot le fou, ni ne connaissait Jean-Luc Godard (sinon de nom pour certains), avant que leur professeur ne leur propose de travailler sur ce film. C’est donc vierges de tout a priori qu’ils ont abordé cette œuvre qui, plus de cinquante ans après sa réalisation, peut encore paraître déroutante ou malaisée. La surprise (pas toujours bonne) et l’incompréhension sont ainsi les deux impressions qui s’expriment le plus spontanément lorsque les élèves sont interrogés sur leur première réaction en découvrant le film.

Hugo B. : Ma première réaction à la vision du film a été la surprise. Le style de Godard est très surprenant lorsqu’on ne connait pas du tout ses films. Godard casse les codes du cinéma, il a un style particulier bien à lui qui ne m’a pas déplu.

Solene B. : Le film m’a tout d’abord intrigué. Je me suis posé des questions et j’ai beaucoup aimé qu’on l’étudie car il m’intéressait. J’ai bien aimé les personnages et le déroulement du film (…) Il y a beaucoup de choses qu’on ne voit pas forcément la première fois qu’on le regarde mais qui sont très intéressantes à étudier.

Marine C. : Le film m’a tout d’abord paru étrange et je n’ai pas vraiment compris l’histoire. Je n’avais pas vraiment aimé. Mais après une étude plus approfondie du film, c’est devenu plus clair et à présent j’aime le film.

Hiba B. : La première fois que j'ai vu le film, j'arrivais à suivre l'intrigue mais au bout d'un moment (…) c'est devenu confus et incompréhensible. Tellement que je n'arrivais plus à suivre. J'ai failli m'endormir [sauf] à la fin, lors du suicide de Pierrot. J'ai même sursauté lors de l’explosion. Je ne recommande absolument pas ce film et je ne comprends pas comment [il] a eu un tel succès.

Lola G. : La première fois que j'ai vu le film, je n'ai pas tout compris mais il m'a plu car je trouvais qu'il sortait du commun. J'ai aimé le fait que ce soit un roman policier ainsi qu'un roman d'amour.

Solenn F. : Après avoir vu Pierrot le fou, j'étais plutôt mitigée : je n'arrivais pas à définir si je l'avais aimé ou pas. En effet, j'ai beaucoup apprécié les images, les couleurs et l'histoire mais ce qui m'a un peu dérangé c'était de ne pas tout comprendre, de sortir de ma zone de confort même si c'est aussi cela qui m'a donné envie d’en faire l'analyse pour avoir les réponses à mes interrogations.

Le travail d’analyse

Même si les élèves peuvent être amené à faire des recherches ou à rédiger des notes de manière individuelle, l’essentiel du travail d’analyse se fait collectivement, pendant les cours. La participation des élèves est évidemment indispensable et ce sont les échanges d’idées, de perceptions ou de jugements, que le professeur encadre d’un point de vue méthodologique et oriente en délivrant des informations techniques ou historiques, qui permet de comprendre l’œuvre dans la forme, dans le fond et dans le rapport que l’une et l’autre entretiennent.

Alexandre L. : Le travail d'analyse du film se fait en classe entière, nous regardons le film séquence par séquence. Nous discutons alors entre nous de ce que nous avons vu, entendu ou même des détails et ajoutons des commentaires qui nous semblent pertinents. Quand il y a un procédé technique particulier, le professeur nous explique en quoi il consiste. Le travail d'analyse se prépare d'une certaine manière aussi à la maison, puisque chacun d'entre nous doit préparer un exposé sur un thème bien précis (…). L'analyse n'a pas énormément changé l'opinion que j'avais sur le film, mais elle nous permet de l'apprécier encore plus, puisque l'on découvre parfois la signification de certaines références, ce que voulait nous transmettre le réalisateur.

Victor G. : Pour analyser le film, on regarde chaque partie du film, séquences par séquences. On décrit ce que l’on voit à l’écran et ce que l’on entend. On nous explique aussi les références que nous n’avons pas. On analyse les mouvements de caméra (travelling, panoramique, …). Puis les émotions et les ressentis que certains plans nous procurent. La première fois que j’ai vu le film, je ne l’ai pas entièrement saisi car j’ai trouvé que le fil conducteur [était] difficile à suivre et à comprendre, à cause des faux raccords. Heureusement, on en a reparlé tous ensemble et grâce aux analyses de séquences, j’ai finalement bien compris l’histoire.

Jeanne G. : Tout d’abord, on visionne en classe une première fois le film en entier, puis à la fin, chacun peut donner ses impressions, son avis, ou poser des questions. (…) Ensuite on visionne certaines séquences (…) on s'intéresse aux détails de la réalisation, de la voix off au montage, en passant par les décors et on s’interroge sur les choix faits par le réalisateur. Il est très difficile de se mettre dans la tête d’un grand réalisateur comme Jean Luc Godard pour comprendre ses choix qui peuvent paraître assez étranges lors du premier visionnage. Après le premier visionnage en classe, je n’avais pas aimé ce film, surtout par manque de compréhension : j’avais trouvé ce film très différent de ce que j’ai l’habitude de voir. Mais l’analyse m'a permis de mieux comprendre (…) et aussi d’apprécier, dans toute sa splendeur, le travail effectué par Godard.

Ethan M. : Le jeu d’acteur, les mouvements de caméra, les couleurs, les collages sont regardés de près et (…) nous les analysons pour découvrir des procédés techniques, visuels, et en déduire un message ou une interprétation. L’analyse du film m’a permis d’apprendre de nouveaux termes et de nouveaux procédés. J’ai aussi pu découvrir le style du réalisateur, qui est assez innovants pour l’époque. J’ai pu apprécier un peu plus ce film grâce à l’analyse qui m’a montré des choses que je n’avais pas remarquer pendant le premier visionnage.

Manaya H. : Je pense que les cours que nous avons eus sur Jean-Luc Godard ont été très importants pour l’analyse. Nous avons regardé le film, plusieurs fois (…), à la suite de ce visionnage nous avons pu débattre sur nos impressions, ce qui est très intéressant. Ensuite nous avons analysé plusieurs passages du film [et] expliqué leurs caractéristiques. Selon moi, la principale difficulté était de comprendre les partis pris de Jean-Luc Godard. Lors du premier visionnage, je ne pouvais pas vraiment me construire un avis clair sur le film puisque mes principaux souvenirs étaient les couleurs qui sont omniprésentes. L’analyse m’a alors permis de mieux apprécier le film en expliquant certains points qui restaient dans l’ombre pour moi. Elle m’a aussi permis de me rendre compte de la grandeur du couple Karina-Belmondo.

Nina K. : Lorsqu’on a regardé le film pour la première fois en septembre, je n’ai pas compris certaines choses, notamment [que] les voix off étaient les voix de Marianne et Ferdinand, apparaissant tout au long du film. A cause de cette incompréhension, je n’ai pas pu avoir une vraie opinion sur Pierrot Le Fou à part mon appréciation sur les couleurs et la beauté des plans. Cependant, grâce aux analyses et aux explications faites en cours, j’ai pu construire une opinion assez positive sur le film en général.

La pratique cinéphile et les projets personnels

Ce n’est pas une surprise : les élèves interrogés précisent qu’ils regardent plus souvent les films sur leur ordinateur (voire leur téléphone) que sur un écran de cinéma. Bien souvent du fait d’une habitude liée à des questions pratiques (manque de proximité d’une salle de cinéma, par exemple) plus que par préférence. Cela ne les empêche pas d’affirmer un goût prononcé et indéniablement sincère pour le cinéma qui ne laisse aucun doute sur le fait que le choix de leur option relève d’une démarche délibérée et volontaire (le terme « passion » revient à de nombreuses reprises). Plusieurs envisagent d’ailleurs de poursuivre des études dans cette voie et certains ont même une idée très précise sur la question.

Solenn F. : Mes objectifs les plus hauts seraient d'entrer après le bac en prépa audio-visuel à Nantes puis d'intégrer la FEMIS ou l’Ecole Nationale supérieure Louis-Lumière ou bien dans un domaine un peu différent intégrer le Cours Florent ou une autre école d'art dramatique. Acteur et réalisateur sont vraiment les métiers qui me passionnent le plus dans le cinéma.

Vincent C. : J’ai choisi l’option cinéma car je voulais en savoir plus et appendre des aspects du cinéma que je ne connaissais pas, avoir une autre vision que la mienne. J’ai fait la connaissance d’une personne qui travaille dans l’audiovisuel (…) et qui a fait cette même option au lycée. Il m’a beaucoup intéressé, je trouve son métier passionnant. J’envisage des études dans le cinéma par la suite mais avec beaucoup d’hésitation car si c’est une passion il faut aussi penser aux débouchés.

Marine C. : Le métier dans le cinéma qui me plairait le plus est celui d’acteur. Mais être scénariste m’intéresserait car j’aime beaucoup écrire.

Hugo B. : J’aimerais à la suite d’un BTS audiovisuel, faire une école de cinéma pour ensuite essayer de devenir réalisateur.

 

Le manque d’enthousiasme (apparent) suscité par les films dits « du patrimoine » pourra surprendre mais il est bien difficile de savoir s’il est le fait d’une maturité qui, en cours de construction, incite à se tourner plus volontiers vers ce qui est (ou semble) moderne car contemporain, ou d’un manque de curiosité entretenu par une accessibilité réduite des œuvres entrant dans cette catégorie (et ce malgré le travail admirable de la Cinémathèque, entre autres).

Joss P. : Généralement je choisis mes films en fonction de mes goûts du moment et du genre que j’ai le plus envie de voir (…) C’est très rare que je vois [un film du patrimoine] même si malgré ça, ce genre reste très intéressant.

Tara Z. : Malheureusement je n’ai pas l’occasion d’aller voir des films du patrimoine (à cause de mon emploi du temps) mais je pense qu’il est intéressant d’en voir car cela nous permet d’enrichir encore plus notre culture cinématographique et de découvrir des longs–métrages que nous n’aurions peut-être jamais pu voir.

Marine S. : Je ne regarde presque pas de films du patrimoine. Pas de mon plein gré en tout cas. Mais j’ai souvenir d’avoir regardé certains grands classiques grâce à ma mère ou même ma famille en général. Ce ne sont pas vraiment des films que je choisis directement de regarder car je préfère regarder des films visuellement modernes et d’actualités.

Eliott T. : Certains films du patrimoine m’intéressent mais pas tous. Généralement se sont mes parents qui m’incitent à les voir. Et je les trouve drôles pour certains.

Lucas P. : Pour choisir les films que je vais aller voir, je prends en compte différents critères. Tout d’abord, si c’est une suite ou un film dérivé d’un autre film, il est rare que j’aille le voir si le premier ne m’a pas plu. Ensuite, s’il est réalisé par un réalisateur ou un studio que j’aime particulièrement, il est fort probable que je m’y intéresse. Vient ensuite le sujet du film qui souvent me fait me prononcer sur un oui ou un non et enfin, les bandes annonces, qui, soit me poussent encore plus à aller voir le film, soit me font ralentir et hésiter, et dans ce cas-là, tout dépend de l’envie que j’avais de voir ce film à la base. Je regarde assez rarement des films du patrimoine, mais je les trouve tout de même très intéressants.

Flora Z. : Je ne vois pas souvent de films du patrimoine mais, je pense quand même que c’est intéressant d’en voir puisque ce sont des films qu’on ne connaît pas forcément bien et [sur lesquels] on ne tombe pas souvent par hasard. Cela permet de connaître des acteurs un peu moins connus qu’habituellement ainsi que de sortir de sa zone de confort.

Victor S. : J'aime beaucoup les films du patrimoine car cela me permet d'agrandir ma culture.

 Olivier Pion

Cinéfil N° 59 - Décembre 2019