Samantha Leroy dévoile les trésors de la Cinémathèque française

      Déjà la troisième venue à la Cinémathèque de Tours pour Samantha Leroy, jeune responsable de la valorisation des films à la Cinémathèque Française, et toujours le même enthousiasme qui l'habite : «Ca fait plaisir, à chaque fois, le public de Tours est fidèle et nombreux ! ». Ce soir-là, le 21 mars, elle a apporté dans ses bagages la copie restaurée de « La Fille de l'eau » de Jean Renoir, son tout premier film.
Frêle et souriante, Samantha Leroy aime faire découvrir des films rares, elle qui a commencé par la restauration de pellicules pour se consacrer aujourd'hui à la diffusion de films et entretient ainsi de nombreux liens avec les cinémathèques régionales et du monde entier. Un métier qui la passionne et qu'elle nous fait découvrir tout comme « La Fille de l'eau », film peu diffusé.


Aurélie Dunouau : Revenons sur votre parcours dans le cinéma qui vous a amenée à ce poste à la Cinémathèque française...

Samantha Leroy : J'ai poursuivi des études de cinéma à l'université, pas mal voyagé. Je me suis spécialisée en master sur la valorisation et la restauration du patrimoine du cinéma. Des stages m'ont conduite à exercer au Québec et à Lisbonne, dans différentes cinémathèques aussi. J'ai même été projectionniste ! Et puis, en 2002, j'ai travaillé à Paris sur la restauration de Playtime de Tati, un moment unique et très riche professionnellement. Il s'agissait de restaurer l'oeuvre privée de l'ayant-droit en 70 mm. Par la suite, il y a eu Mon oncle et Les Vacances de M.Hulot.

A.D. : À ce propos, éclairez-nous : comment se déroule une restauration de films ? Ça paraît assez scientifique...

S.L. : La restauration implique une reconstitution d'éléments perdus. Nous commençons par une enquête historique, la recherche des éléments dans les archives afin de reconstituer le film. C'est une étape primordiale et passionnante de recherche historique, quand on découvre par exemple un film considéré comme perdu, c'est merveilleux ! Ca ressemble à un travail d'archéologue.
Ensuite, nous procédons aux travaux de laboratoire sur la pellicule, étape plus technique, je vous en épargne les détails. Nous partons d'éléments pas toujours identiques, il peut manquer une séquence... et nous arrivons à refaire un tirage. Nous laissons des notes écrites pour expliquer ce qu'on a voulu faire. Ce travail d'archéologue, de connaissance de la restauration, me sert aujourd'hui.

A.D. : Vous travaillez depuis 6 ans à la Cinémathèque Française à la valorisation des films. En quoi cela consiste ?

S.L.: À faire connaître et valoriser les collections de la Cinémathèque française. Concrètement, à partir des collections dont beaucoup sont restaurées, l'intérêt est de concevoir et de proposer des projections hors les murs, en France comme à l'étranger. Nous sommes partenaires de festivals (Berlin, Bologne,...).

Nous avons aussi une partie documentation importante à la Cinémathèque, des collections et une masse de documents. Ainsi, nous pouvons accompagner le film. L'idée est de mieux faire connaître notre collection, qui par ailleurs évolue avec les restaurations et les acquisitions nouvelles.

A.D. : La priorité est donc de diffuser et partager les films ?

S.L. : L'activité est très importante hors les murs. Il existe un système d'échanges de copies entre cinémathèques membres. On répond à leurs demandes. Ainsi, nous mêmes redécouvrons certains films !
D'un côté on répond aux demandes, et de l'autre nous proposons, promouvons certains films. L'avantage de ce travail c'est d'être en contact permanent avec les cinémathèques du monde entier, d'échanger en permanence des informations.

A.D. : Vous êtes notamment en contact avec la cinémathèque de Tours qui vous a donné carte blanche cette année. Vous avez choisi de présenter une restauration de 2005, La fille de l'eau de Renoir.

S.L. : Pour l'histoire, le film fut restauré à l'occasion de la rétrospective Renoir, en accompagnement de l'exposition qui a inauguré le déménagement de la Cinémathèque Française à Bercy. Renoir faisait partie des 1ers membres du conseil d'administration de la cinémathèque, il en a toujours été proche.

La Fille de l'eau est son premier film, réalisé en 1924. Dans ce film, qu'il a réalisé par amour pour sa femme, Catherine Hessling qui voulait devenir actrice, il va expérimenter pour la première fois le cinéma. On y sent les influences de Stroheim et Griffith. Un mélodrame qui tire parfois vers le burlesque et donne des séquences de rêve.

A.D. : La diffusion de Fille de l'eau reste confidentielle, non ?

S.L. : Oui, je crois d'ailleurs que le film n'est jamais passé à la télévision. C'est un film très différent de ce qu'on attend de lui. Renoir essaie, expérimente, s'intéresse à la technique.
J'ai choisi ce Renoir pour faire suite à la diffusion ici à Tours de Nana en 2005. Ce film peu connu mérite vraiment la découverte.

Propos recueillis par Aurélie Dunouau