Qu’est-ce qui fait d’un film un chef d’œuvre ou un nanar ? À cette question, nous ne nous sentons ni la compétence ni l’envie de répondre. Seul nous porte le désir de partager nos attachements, très personnels, à des films qui, pour quelque raison que ce soit, ont marqué nos mémoires et prennent ainsi dans nos vies une place qui dépasse forcément le simple attrait cinéphilique. Tous les articles que nous vous proposons pourraient, à l’instar de celui consacré au film de Joseph Losey, Monsieur Klein — ou plus exactement à son tournage — s’inscrire dans la rubrique Je me souviens. Se souvenir d’un film, c’est se souvenir de ses images, de ses bruits, des personnages et des intrigues qu’il met en scène, mais aussi du moment de sa découverte et de l’état d’esprit dans lequel nous étions alors. Se souvenir d’un film, c’est se plonger comme le pseudo-Docteur Edwardes du film d’Hitchcock dans le magma de nos émois imprécis, refoulés, détournés, à jamais insaisissables car toujours en mouvement, toujours changeants, toujours en devenir. Qu’importe alors qu’Un million d’années avant Jésus-Christ soit un film médiocre ou grotesque pourvu qu’il me restitue la saveur d’une madeleine imbibée de thé ? Quel intérêt pourrais-je trouver à une nième vision du Vertigo d’AlfredHitchcock (encore lui) sinon celui d’ouvrir d’inédits horizons à grands coups de pensées vagabondes ? Et qui sait en quoi la puissante impression que me fait aujourd’hui La Zone d’intérêt se muera dans un an, dans un siècle, dans une éternité ? Le lecteur attentif et amateur de variétés françaises aura relevé la référence à un tube tout sirupeux interprété naguère par le regretté Joe Dassin dont l’univers semble, au premier abord tout du moins, assez distant de celui de Jonathan Glazer en général et de son dernier film en particulier. Le rapprochement des deux, aussi incongru que celui d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection, n’a d’autre but que d’illustrer le fond de notre propos : le plus important ce n’est pas d’où nous partons, ni où nous allons, mais bien le chemin zigzaguant que nous parcourons pour atteindre un but qui semble se dérober sans cesse. Un chemin sur lequel les films que nous aimons voir, revoir et partager, sont autant de phares. Pour différents qu’ils soient dans leurs styles, dans leurs tons ou dans les sujets qu’ils abordent, les textes réunis dans les pages à suivre sont portés par ce même amour du cinéma. Nous espérons que vous prendrez à les lire un plaisir égal à celui etc. etc. etc.
Olivier Pion