Les articles publiés dans les anciens numéros du journal
Un géant d’1m60
Ce qui frappe dans l'œuvre de Buster Keaton, qui ne sollicite jamais la pitié ou la compassion, est la pugnacité de l'innocent à s'accaparer le monde dès lors que celui-ci devient un obstacle à la réalisation de ses désirs. Rien ne constitue un réel obstacle lorsqu'il s'agit de conquérir sa belle, ou mieux encore de la sauver, quand tous les autres ont abandonné ou que la force brute semble avoir vaincu.
La puissance du corps comique
Buster Keaton dans Steamboat Bill Junior
Dès l'âge de cinq ans Buster Keaton est la vedette du spectacle de music-hall de ses parents. Son père se sert de lui comme d'un objet, pour balayer le sol ou encore le jeter dans la fosse d'orchestre. Une fois son père l'utilisa même comme projectile pour se venger d'un spectateur qui venait d'insulter sa femme. Keaton remonta sur scène et continua à jouer, tandis qu'il avait trois côtes cassées... On retrouve d'ailleurs ce même père dans Steamboat bill junior, traduit Cadet d'eau douce en français, non crédité au générique. La société new-yorkaise de protection de l'enfance s'était mêlée de l'affaire en accusant en vain le père de cruauté, qui, lui, étendit rapidement son numéro familial au frère et à la sœur de Buster Keaton. Mais plus tard, Keaton expliquera que, selon lui, c'est parce qu'à cette époque il s'était formé à être insensible à la douleur qu'il put faire par la suite toutes ses cascades lui-même et faire de son corps son sujet comique. « Le premier talent de Buster Keaton est donc de savoir tomber sans (trop) se blesser » résume bien Stéphane Goudet dans Buster Keaton.
Claude AUTANT-LARA : Le Franc-Tireur du cinéma français
De la libération à La traversée de Paris (Seconde partie)
Raymond Borde disait de lui : « C'est qu'il possède un tour d'esprit qui n'est pas tant de la méchanceté qu'une certaine cruauté lucide. Si la fonction du cinéma est d'arrondir les angles, Autant-Lara cherche au contraire à perturber des idées reçues en inquiétant le spectateur. »
Le Cinéma dans les Livres
Langue morte d'un continent perdu
Au moment où le cinéma muet revient dans l'actualité, il ne faut pas oublier que cet art de fantômes qu'est le cinéma s'éloigne cependant toujours plus de son origine. Origine qui est aussi fascinante que méconnue malgré les feux chatoyants de l'actualité. Et si nous restons fascinés par les premiers films, nous pouvons parfois avoir du mal à y reconnaître l'origine de notre plaisir de cinéphile tant notre ignorance nous coupe de ce que les images nous présentent. Alors il faut accepter d'aller à la rencontre des « fantômes du muet. »
Les interviews de Cinéfil : Jean-Michel Frodon
Le rapport à l'invisible !
Alain J. Bonnet : En 2008, vous avez écrit un livre sur Robert Bresson (Editions Cahiers du Cinéma), comment positionnez-vous le film Journal d'un Curé de campagne dans son œuvre ?
Jean-Michel Frodon : C'est le troisième film de Robert Bresson après Les Anges du péché et Les dames du Bois de Boulogne et il marque véritablement une progression dans l'élaboration de sa mise en scène, de sa manière de filmer, soit de son propre style, ce qu'on peut repérer très clairement avec ces trois films. On peut dire qu'il atteint alors un seuil très élevé dans cette conception très particulière du cinéma qui fait qu'un film de Bresson ne ressemble à un film de personne d'autre.
Paroles de Cinéphile 5
Quelques mots très personnels sur Rohmer
Je n'ai jamais connu Rohmer (1920-2010), je ne suis pas spécialiste de son œuvre que je n'ai pas encore vue intégralement et l'article qui suit ne prétend nullement en faire une analyse exhaustive; je m'en suis d'ailleurs longtemps fait, peut être comme d'autres, une idée préconçue d'un cinéma assez bavard et intellectualisé.
Pourtant d'où provient ce trouble profond que je ressens lorsque je visionne certains de ces films ? Non pas tant ceux issus de ces adaptations littéraires (La marquise d'O de Heinrich Von Kleist 1976) ou historiques (L'anglaise et le duc 2001 ou Triple agent en 2004) , mais surtout ceux issus de la série des six contes moraux (Ma nuit chez Maud 1969) ou des six Comédies et Proverbes ( Le rayon vert en 1986) ou encore de ces contes des quatre saisons des années 90, que la Cinémathèque de Tours nous a permis de revoir récemment.
Claude AUTANT-LARA : Le Franc-Tireur du cinéma français
De la libération à La traversée de Paris (Première Partie)
Le cinéma français n'est pas très florissant dans l'immédiat après-guerre. Pour la plupart, les salles d'exclusivités parisiennes ont été fermées par les comités d'épuration, les studios sont désertés et les recettes proviennent essentiellement des films américains que les studios hollywoodiens déversent abondamment. Un premier accord de contingentement est signé avec les Etats-Unis (par Blum en 1946) mais il est très mal accueilli par la profession et une grande manifestation est organisée à Paris le 04 janvier 1948 par les techniciens et les réalisateurs de cinéma. Les spectateurs sont informés du problème par des interventions lors des projections en salle. Autant-Lara est de ceux qui s'investissent totalement dans ces actions.
L'adaptation au cinéma
A propos de films italiens récemment programmés
1° La fidélité une fausse question ...
Alors que l'association Henri Langlois programme Le Journal d'un curé de campagne de Robert Bresson d'après l'œuvre de Georges Bernanos, il serait utile de s'interroger sur la question de l'adaptation d'œuvres littéraires au cinéma. Cette question traverse toute l'histoire du septième art, non sans poser de problèmes et provoquer des polémiques comme ce fut le cas lorsque François Truffaut, dans son fameux article paru dans les Cahiers du cinéma en janvier 1954, « Une certaine tendance du cinéma français », dénonçait avec force les artifices qu'utilisaient Aurenche et Bost, les deux scénaristes d'alors, pour adapter des œuvres littéraires les plus diverses en les appauvrissant, disait-il, et ce au gré des commandes.
Les interviews de Cinéfil : Elsa Loncle
Éduquer le jeune public à l'image
De la Cinémathèque, chacun connaît et apprécie les séances du lundi, son activité principale. Ce que l'on sait moins :
La Cinémathèque mène tout un travail souterrain pour gagner à la cause des films du patrimoine les spectateurs de demain, les enfants d'aujourd'hui.
Vous aviez déjà certainement remarqué les lundis la présence de jeunes du lycée Balzac ou encore de l'école de Beaux Arts, partenaires de la Cinémathèque, ou bien la présence de quelques bambins aux séances pensées pour toute la famille durant les vacances scolaires.
Mais il faut savoir que la Cinémathèque s'adresse aussi aux tout-petits, dès 3 ans. Explications avec Elsa Loncle, chargée à la Cinémathèque de la communication, du fonds documentaire et, aux côtés d'Agnès Torrens, de la programmation notamment jeune public.
Le temps d’un tournage - Journal d'un curé de campagne
« ...Déjà le réalisateur pense à un autre thème : une adaptation du roman de Georges Bernanos, Journal d'un curé de campagne. Un premier travail dû à Jean Aurenche et Pierre Bost, n'a pas eu l'agrément du romancier. Robert Bresson reprend la chose, bâtit un scénario qui épouse strictement la construction même du roman ; Bernanos meurt en 1948, avant que le cinéaste ait pu lui soumettre son adaptation. Pendant plusieurs mois encore, Bresson travaille, écrit les dialogues additifs. Il obtient sur cette adaptation l'approbation totale de l'Abbé Pézeril, ami personnel de Bernanos et son exécuteur testamentaire pour la partie religieuse de son œuvre. Puis il se met à la recherche des interprètes et des capitaux. Il reçoit cent comédiens, refuse ceux qui n'ont pas la foi et découvre enfin un inconnu, Claude Laydu, qu'il verra désormais chaque dimanche, pendant plus d'un an, pour lui parler de son personnage, l'en imprégner, l'en faire vivre. Il a plus de peine encore à trouver un producteur, fait antichambre, patiente, discute, convainc. Enfin au printemps de 1950, il commence les prises de vue dans un village d'Artois, aux lieux où se situe l'action.